La mise au point d’un nouvel anticorps offre une lueur d’espoir pour soigner la sclérose latérale amyotrophique.
Quelques mois. C’est le sursis qu’obtiennent actuellement les patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA) grâce aux deux seuls médicaments existants. Cette maladie neurodégénérative, qui touche de 2 à 3 personnes sur 100 000 et pour laquelle il n’existe aucun traitement, s’attaque aux neurones moteurs et provoque une paralysie progressive des muscles du corps, jusqu’au décès du patient. Mais une équipe de recherche affiliée à l’Université Laval a posé les premiers jalons d’une immunothérapie qui permettrait de traiter cette affection fatale.
La SLA se déclare à l’âge adulte. Dans 98 % des cas, c’est une protéine, nommée TDP-43, qui pose problème. Celle-ci s’accumule dans les neurones moteurs pour y former des agrégats qui finissent par tuer les cellules. Même si les raisons pour lesquelles la protéine se dérègle restent inexpliquées, le professeur Jean-Pierre Julien et son équipe, du Centre de recherche CERVO à Québec, ont mis au point une molécule qui cible la protéine rebelle.
Cette molécule, c’est un anticorps. Habituellement, les anticorps sont produits par notre système immunitaire pour, de façon spécifique, lancer l’attaque contre un élément étranger, par exemple un virus. Mais dans le cas d’une protéine qui nous est propre, comme la TDP-43, impossible pour le système immunitaire de la détecter, même si elle se comporte de façon aberrante. L’équipe a donc créé un anticorps de toutes pièces, capable de neutraliser la protéine anormale.
Pour arriver à leurs fins, les scientifiques ont placé l’information génétique nécessaire à la synthèse de l’anticorps dans un virus. Administré à des souris porteuses de la SLA, le virus joue le rôle d’une capsule qui livre l’information dans les neurones. Là, la cellule prend le relais pour fabriquer l’anticorps. Publiés en avril dernier dans The Journal of Clinical Investigation, les résultats sont plus qu’encourageants. Après quelques mois, Silvia Pozzi, première auteure de l’étude, a constaté que les souris se portaient mieux. Leurs capacités musculaires se sont améliorées et leurs capacités cognitives, altérées dans 20 % des cas de SLA, également.
Grâce au nouvel anticorps, les chercheurs font d’une pierre trois coups ! Primo : il empêche l’agrégation des TDP-43. Secundo : il favorise la destruction des amas déjà présents. « C’est comme si l’anticorps, une fois attaché à l’agrégat, jouait le rôle d’un petit drapeau indiquant “Je suis ici et je dois être dégradé” », explique Silvia Pozzi, professionnelle de recherche dans le laboratoire du professeur Julien. Cette signalisation permet à la machinerie cellulaire de déceler les amas pour les détruire. Tertio : il empêche la liaison de TDP-43 avec une autre protéine, ce qui inhibe la réponse inflammatoire dans le cerveau, laquelle est exagérée en cas de SLA.
Cette percée ouvre la voie à l’élaboration d’immunothérapies pour d’autres maladies neurodégénératives. « La protéine TDP-43 forme des agrégats dans 50 % des cas de démences frontotemporales et dans certains cas de parkinson et d’alzheimer », précise Jean-Pierre Julien. Plusieurs étapes restent à franchir avant les premiers essais cliniques et l’équipe travaille à éliminer le virus de l’équation pour concevoir une solution d’anticorps injectable directement dans la colonne vertébrale.
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Ont aussi participé à la découverte : Sai Sampath Thammisetty, Philippe Codron, Reza Rahimian, Karine Valérie Plourde, Geneviève Soucy, Christine Bareil, Daniel Phaneuf, Jasna Kriz et Claude Gravel, de l’Université Laval.
Publié dans le magasine Québec Science le 9 janvier 2021