Les harfangs qui nous visitent en hiver ne seraient pas poussés jusqu'ici par le manque de nourriture.
Vous avez peut-être eu l’occasion, cet hiver, d’apercevoir un harfang des neiges perché en haut d’un bâtiment, ici sur le campus ou sur le bord d’une autoroute. Ce rapace charismatique des régions arctiques migre périodiquement dans les régions plus tempérées d’Amérique du Nord, mais contrairement aux idées reçues, ce n’est pas le manque de nourriture qui le pousse jusqu’ici. Au contraire, ses incursions hivernales massives dans le Sud surviennent après des étés où la nourriture est abondante dans le Nord, démontre Audrey Robillard, doctorante du Département de biologie, dans un article qu’elle vient de publier dans la revue Oecologia.
Pour arriver à cette conclusion, Audrey Robillard et ses collaborateurs se sont basés sur 18 années d’observations citoyennes du harfang des neiges en régions tempérées. «Tous les ans en décembre, des amateurs se réunissent pour compter tous les oiseaux qu’ils voient ou entendent pendant 24h, précise-t-elle. On a comparé les dénombrements de harfangs avec l’abondance de petits rongeurs mesurée dans deux sites en Arctique entre 1994 et 2011». Résultat? L’abondance des rongeurs favoriserait la survie des petits, augmentant ainsi le nombre de harfangs migrant pendant l’hiver.
Les harfangs qui migrent vers le Sud tous les trois à cinq ans sont surtout de jeunes oiseaux. «Ces migrations pourraient être causées par des conditions hivernales trop rigoureuses en Arctique, avance la doctorante. De plus, comme ils sont trop jeunes pour se reproduire, ils pourraient migrer plus loin au Sud durant l’hiver, n’ayant pas la contrainte de trouver un site de reproduction au retour des beaux jours en Arctique.»
Le harfang des neiges est une espèce nomade dont l’observation reste très difficile en Arctique, ce qui laisse beaucoup de questions en suspens. «Ce qui est plus connu en revanche, ce sont les habitudes des harfangs dans le Sud, souligne Audrey Robillard. Ces oiseaux, qui migrent parfois au-delà du Midwest américain, recherchent des milieux ouverts qui ressemblent aux toundras arctiques, comme les prairies, les champs ou même les aéroports. Ils y chassent de petits mammifères, mais aussi des oiseaux, notamment des canards, jusqu’au mois de mars généralement.»
Les autres chercheurs qui cosignent l’étude publiée dans Oecologia sont Gilles Gauthier, du Département de biologie, Jean-François Therrien, de l’Acopian Center for Conservation Learning, Karin Clark, du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles des Territoires du Nord-Ouest, et Joël Bêty, de l’Université du Québec à Rimouski.
Publié le 14 avril 2016 dans Le Fil