L’éléphant de savane, en Afrique, a évolué à la vitesse grand V depuis la fin des années 70… et l’humain en serait le principal responsable.
Si un jour tu fais un safari-photo en Afrique, tu pourrais bien voir des éléphants dépourvus de défenses !
Alors que le processus d’évolution agit normalement sur des dizaines voire des centaines de générations, la pression imposée par le braconnage en Afrique semble avoir favorisé la sélection de femelles dépourvues de défenses au sein des populations d’éléphants… en seulement 15 ans !
Pour en arriver à cette conclusion, des chercheurs ont étudié le patrimoine génétique de 18 femelles dans le parc national Gorongosa, au Mozambique. Théâtre d’une guerre civile entre 1977 et 1992, la région était toute désignée pour leur étude : les éléphants y ont été impitoyablement chassés pour l’ivoire de leurs défenses, vendu sur le marché noir afin de financer les conflits armés. À l’issue de cette guerre, plus de 90% des éléphants de la région avaient été massacrés, la population passant de 2000 à 200 individus.
Et parmi les femelles survivantes, la moitié était dépourvue de défenses. Logique : ces femelles ne valant « rien » aux yeux des braconniers, ils ne les ont pas chassées. Dans la population actuelle des éléphants de savane, ce biais est maintenant évident : 33% des 91 femelles nées après la guerre n’ont pas de défenses, alors que cette proportion n’était que de 18,5% avant la guerre.
Mais pourquoi seulement des femelles ? Dans leur étude, les chercheurs ont constaté que la mutation à l’origine de la perte des défenses se situe sur le chromosome sexuel X, et que lorsque ce chromosome muté est transmis à un descendant mâle, il est fatal pour l’embryon, qui ne survit pas. Voilà pourquoi les scientifiques n’ont observé que des femelles dépourvues de défense. La cause exacte de la létalité chez les mâles n’a pas été élucidée par l’étude.
Tu te dis peut-être que si les femelles n’ont plus de défenses, tant mieux, cela les protège du braconnage. Mais cette évolution rapide n’est pas nécessairement une bonne chose. D’abord, comme la mutation est fatale pour les embryons mâles, sa présence plus fréquente dans la population mène à une baisse générale des naissances et à un déséquilibre des sexes : il naît plus de femelles que de mâles. Ensuite, les éléphants de savane sont de véritables ingénieurs de l’environnement. Sans leurs défenses, ils ne remuent plus le sol et ne se nourrissent pas des mêmes choses, ce qui peut mener à de profonds changements de l’écosystème.
Publié le 15 décembre 2021 sur le site internet de Québec Science, ici